Les 7 biais cognitifs qui sabotent nos décisions en Qualité pharmaceutique (et 3 façons de les désamorcer)
Arnaud Huc
November 7, 2025
On a passé une bonne partie de la semaine à travailler sur notre futur outil d’aide à la décision pour les AQ.
Mais avant de construire un logigramme “rationnel”, on s’est posé une question plus terre-à-terre : Qu’est-ce qui fait qu’on prend parfois une mauvaise décision… en pensant justement “bien faire” ? La réponse tient souvent à un mot : les biais cognitifs. Et le pire, c’est qu’ils ne disparaissent pas parce qu’on les connaît. Même quand on a lu Système 1 / Système 2 de Daniel Kahneman, on continue à tomber dedans. Le cerveau cherche la facilité, la sécurité, la cohérence, pas la vérité.
1. On a listé plus de 13 biais… mais seuls 7 reviennent tout le temps sur le terrain
Avec Paul-Adrien, on a commencé en mode brainstorming. Au départ : 13 biais, des noms savants, des nuances infinies. En pratique, seuls 7 biais façonnent la majorité des décisions qualité quotidiennes. Les voici :
🧠 1. Le biais de confirmation
Chercher les éléments qui valident ce qu’on croit déjà. “Ce lot est pourri, je le sais.” Même si toutes les données prouvent le contraire, l’AQ trouvera toujours une explication pour confirmer son intuition.
⚠️ 2. Le biais de disponibilité / négativité
Se souvenir surtout de ce qui s’est mal passé. “Ce problème est déjà arrivé plein de fois !” En réalité, une fois en deux ans… mais l’émotion pèse plus que la fréquence réelle.
🔁 3. Le biais de cohérence / conformité
On a toujours fait comme ça. “Changer le flux de signature ? Non, ça a toujours été fait comme ça.” La constance rassure, même quand elle entretient des absurdités.
📊 4. Le biais de pondération des probabilités
Notre cerveau n’est pas linéaire : il surévalue les faibles risques et sous-évalue les gains réels. “Un échec sur 100, c’est inacceptable.” Mais un gain de 90 % au lieu de 85 %, on trouve ça “normal”. C’est ce biais qui rend les 5 % de RFT manquants plus insupportables que les 95 % déjà atteints.
👮 5. Le biais d’autorité
“C’est marqué dans les BPF.” “L’inspecteur nous l’a dit.” On surestime la parole du chef, de l’inspecteur ou du “gourou qualité”, même quand le contexte a changé.
⚖️ 6. Le biais d’attribution
Attribuer un écart à la personne plutôt qu’au système. “L’opératrice a oublié la signature, elle est négligente.”
Alors que la vraie cause, c’est souvent la charge, l’ergonomie ou la complexité du process.
🧩 7. Le biais de statu quo
Préférer ne rien changer, même quand le système est mauvais. “Tant que ça ne casse pas, on touche à rien.”
C’est le biais le plus pernicieux : il fige les CAPA, maintient les contrôles inutiles, et transforme l’amélioration continue en simple routine documentaire.
2. Trois grandes familles de biais
En relisant nos échanges, on a vu que tous ces biais se regroupent autour de trois grands types de dérives.
Première famille : les biais individuels.
Ce sont ceux qui perturbent directement le raisonnement d’une personne. Le biais de confirmation, le biais de disponibilité et le biais de pondération en font partie. Ils faussent la logique de jugement : on voit ce qu’on veut voir, on surestime les risques rares, on sous-évalue les gains réels.
Deuxième famille : les biais contextuels.
Ils sont liés à la hiérarchie, aux habitudes ou à la pression du quotidien. Le biais d’autorité, la conformité et le statu quo appartiennent à cette catégorie. Ils font que, même quand on sait qu’une approche est meilleure, on préfère “faire comme avant” ou “faire comme le chef a dit”.
Troisième famille : les biais culturels.
Ce sont ceux qui structurent les réflexes collectifs : la tendance à blâmer les individus (biais d’attribution), à opposer Qualité et Production, à croire que “nous, on sait mieux qu’eux”. Ces biais renforcent les silos et rendent la coopération presque impossible.
Au fond, ces trois dimensions se nourrissent entre elles : l’autorité entretient la conformité, la peur alimente le statu quo, et l’habitude verrouille la remise en question. C’est ce cocktail qui rend certaines organisations si lentes à décider… même quand tout le monde sait quoi faire.
3. Comment on compte les désamorcer
Dans nos ateliers “Culture Qualité Efficace”, on veut rendre ces biais visibles avant de parler procédures. Trois leviers simples :
Les mantras anti-biais
“Et si j’avais tort ?”
“Qu’est-ce que je risque si je ne fais rien ?”
“Est-ce que je protège le patient ou le planning ?”
Des mises en situation rapides
Le même cas présenté deux fois, avec un cadrage différent, montre à quel point le cerveau déforme la décision.
Un logigramme d’aide à la décision
Pour remettre un peu de structure là où l’émotion ou la peur prennent le dessus.
Avec à chaque étape une alerte “risque de biais détecté”.
En résumé
Ce n’est pas le manque de compétences qui sabote les décisions qualité, c’est le poids invisible des biais cognitifs. Les connaître ne suffit pas. Les reconnaître, les nommer et les désamorcer collectivement, c’est là que la culture Qualité devient réellement “efficace”.