Culture Qualité dans l’industrie pharmaceutique : le vrai diagnostic (spoiler : ce n’est pas un poster)

Arnaud Huc

November 7, 2025

📦 1. Tout le monde veut une “Culture Qualité forte”… mais personne ne sait ce que ça veut dire

Sur le papier, on est tous d’accord : il faut une culture Qualité solide pour éviter les erreurs, fiabiliser les processus et améliorer la performance. Mais sur le terrain ? Entre le dossier de lot bloqué, la déviation en attente de revue et le CAPA qu’on recycle tous les six mois, la réalité est un peu moins sexy. Et puis il y a les mots à la mode : bon du premier coup, amélioration continue, Lean, zéro déviation. Le problème, c’est qu’on les empile comme des slogans sans jamais se demander : Est-ce qu’on a la culture qui va avec ?

Parce qu’avant de viser le bon du premier coup, encore faut-il avoir une organisation qui comprend pourquoi elle fait ce qu’elle fait, et comment elle apprend de ses erreurs.

⚙️ 2. La Culture Qualité, c’est (d’abord) une histoire d’erreurs

Un site pharmaceutique ne cherche pas à renforcer sa culture Qualité “par philosophie”. Il le fait pour une raison très terre à terre : réduire les erreurs.

  • Moins d’erreurs dans les dossiers de lot → moins de rejets → plus de lots libérés à l’heure

  • Moins d’erreurs dans les validations → moins de surprises réglementaires

  • Moins d’erreurs dans les changements → moins de stress en audit

Bref : moins d’erreurs = meilleur OTIF (On Time In Full) = plus de performance.

Mais voilà : tout dépend de la façon dont les équipes gèrent ces erreurs. Et c’est là qu’intervient la notion de maturité culturelle. Avec Paul-Adrien, on a résumé ça en quatre mots : Subir, Défendre, Maîtriser, Anticiper.

🪫 3. Subir – “On applique parce qu’il faut bien”

C’est la base de la pyramide. Les règles Qualité sont vues comme une contrainte administrative. On fait ce qu’il faut pour “passer les audits” ou éviter les remarques. La Qualité est vécue comme un mal nécessaire.

Symptômes typiques :

  • SOP lue pour la première fois la veille de l’inspection

  • Dossiers corrigés à la main, sans analyse des causes

  • Réunions Qualité vécues comme des séances de torture

Ici, on ne parle pas de culture Qualité. On parle de culture de survie.

🛡️ 4. Défendre – “0 erreur visible”

Deuxième étape : on commence à se soucier de la conformité… mais par peur. L’objectif, ce n’est pas d’apprendre, c’est de ne pas se faire attraper. Alors on multiplie les contrôles, les doubles signatures et les vérifications absurdes.

Résultat :

  • Les indicateurs sont beaux.

  • Le système est fragile.

  • L’ambiance est tendue.

C’est la culture du “gendarme Qualité” : on protège, on surveille, on s’excuse, mais on ne comprend toujours pas ce qu’on fait.

🧩 5. Maîtriser – “0 erreur répétée”

Là, on commence à respirer. La Qualité n’est plus un frein, mais un levier de compréhension. Les équipes comprennent pourquoi elles font les choses et cherchent comment les améliorer.

  • L’erreur devient une opportunité d’apprentissage.

  • On analyse, on simplifie, on fiabilise.

  • Les problèmes sont traités à la racine, pas camouflés.

C’est aussi le moment où le Lean devient enfin pertinent. Parce que faire du Lean dans une culture défensive, c’est comme faire un marathon en claquettes : ça part vite, mais ça finit mal.

🚀 6. Anticiper – “0 surprise”

Dernier niveau : la culture proactive. Ici, la Qualité est devenue un réflexe collectif. Chacun, quel que soit son service, anticipe les risques avant qu’ils ne deviennent des écarts. On ne cherche plus à corriger les problèmes, on empêche qu’ils existent. C’est la différence entre ramasser le papier par terre et changer le process pour qu’il ne tombe plus jamais.

Sur un site pharma, ça veut dire :

  • Identifier les situations à risque avant la déviation

  • Ajuster les routines de travail avant les pannes

  • Intégrer la Qualité dans les décisions de production, de maintenance, de supply, etc.

Objectif implicite : 0 surprise, 0 stress.

💡 7. Pourquoi le Lean est dangereux sans culture Qualité

On adore le Lean. Mais dans un site où la majorité des équipes sont encore en “Subir” ou “Défendre”, c’est une bombe à retardement. Augmenter la cadence sans stabiliser la culture Qualité, c’est juste remplir plus vite un seau percé. Avant de lancer un chantier Lean, il faut se poser deux questions simples :

  1. Le problème, c’est la machine ou c’est les erreurs humaines ?

  2. Le goulot est mécanique ou culturel ?

Dans 80 % des cas, la réponse est culturelle. Et c’est exactement ce que la théorie des contraintes nous apprend : tant que le vrai goulot, ce sont les déviations, les dossiers non conformes ou les CAPA inutiles, aucun gain de cadence ne tiendra dans le temps.

🧠 8. Diagnostic de Culture Qualité : un exercice qui vaut tous les audits

En atelier CODIR, on fait souvent ce petit jeu :

  1. Chaque service se situe sur la courbe : Subir, Défendre, Maîtriser, Anticiper.

  2. Puis chacun positionne les autres services.

Résultat :

  • Tout le monde se trouve “un peu meilleur que la moyenne”.

  • Et tout le monde découvre que les autres ne le voient pas du tout pareil.

C’est brutal… et c’est exactement ce qu’il faut. Parce qu’une vraie culture Qualité, c’est un regard lucide sur soi-même et sur ses pratiques. Pas un slogan.

⚡ 9. En résumé : la Culture Qualité, c’est l’art d’éviter les conneries… ensemble

La Culture Qualité dans l’industrie pharmaceutique n’a rien d’abstrait. C’est ce qui détermine si votre site :

  • cache ses erreurs ou apprend d’elles,

  • ajoute des contrôles ou fiabilise ses pratiques,

  • subit la Qualité ou l’utilise pour mieux produire.

👉 Tant que vous êtes en “Subir” ou “Défendre”, inutile de rêver d’un OTIF stable ou d’un Lean efficace.
👉 Une vraie Culture Qualité, c’est passer de la conformité à la conscience, de la peur à la maîtrise, du contrôle à l’anticipation.

Et comme on aime le dire avec Paul-Adrien : “Faire plus vite un truc fragile, c’est juste casser plus vite.”

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