Quand le « bon du premier coup » ne suffit plus : vers une culture qualité proactive
Arnaud Huc
November 7, 2025
Sur la plupart des sites pharmaceutiques, deux indicateurs dominent toutes les réunions de performance : le CA de fin de mois et le OTIF (On Time In Full). Deux chiffres censés résumer la santé du site : livrer dans les temps et en quantité complète. Mais derrière ces indicateurs, un malentendu persiste : la qualité est souvent perçue comme un frein, alors qu’elle en est la condition.
1. Le “bon du premier coup”, une vision partielle de la Qualité
Le bon du premier coup (BDPC) est séduisant : produire sans erreur, sans reprise, sans déviation. C’est un indicateur universel, compréhensible par tous, applicable aussi bien à la production qu’à la maintenance, aux RH ou à la finance. Et sur le papier, il répond à tout : si chaque étape du process est bonne du premier coup, le site est On Time In Full. Mais dans la réalité, cette approche montre vite ses limites. Chercher à tout prix le zéro erreur pousse souvent à rejeter l’erreur plutôt qu’à la comprendre. Chaque écart devient une faute à cacher, au lieu d’une opportunité d’apprentissage. Résultat : les erreurs se répètent, les déviations s’enchaînent, et la performance se fige.
Le “bon du premier coup” n’est pas la Qualité : il en est seulement le symptôme visible.
La Qualité, la vraie, c’est ce qui rend le bon du premier coup durable et reproductible.
2. Comprendre les différences entre Bon du Premier Coup, Qualité et Culture Qualité
Le bon du premier coup : c’est un résultat opérationnel. On fait sans erreur, sans reprise, sans déviation.
La qualité : c’est un cadre global qui garantit la conformité, la sécurité et la fiabilité à toutes les étapes, de la conception à la libération.
La culture qualité : c’est ce qui fait que la qualité vit au quotidien — les comportements, les réflexes, les décisions, la capacité à apprendre collectivement.
On peut donc faire bon du premier coup sans culture qualité (par chance, par contrôle, ou par habitude),
mais on ne peut pas maintenir le bon du premier coup sans une culture qualité solide. Autrement dit : Le bon du premier coup montre que la qualité est faite, la culture qualité prouve qu’elle est comprise.
3. La clé manquante : la proactivité
C’est le point qui transforme tout. Une culture qualité proactive ne se contente pas d’éviter les erreurs, elle anticipe les défaillances avant qu’elles ne se produisent. Elle détecte les signaux faibles, corrige les dérives de système, et s’améliore en continu. Dans une culture réactive, on agit dans l’erreur. Dans une culture proactive, on agit avant qu’elle n’apparaisse. C’est cette proactivité qui rend le bon du premier coup durable. Elle ne cherche pas seulement à “faire bien”, mais à comprendre pourquoi ça s’est bien passé et à reproduire ce succès.
4. La culture qualité, moteur économique
Il faut le dire clairement : la culture qualité n’est pas un idéal moral, c’est un levier économique.
Faire bon du premier coup, c’est éviter les reprises, les rebuts, les investigations inutiles.
👉 Moins de temps perdu, plus de débit, moins de coûts cachés.Avoir une culture proactive, c’est réduire la variabilité, les surprises et les arrêts de ligne.
👉 Plus de stabilité, plus de fiabilité, plus de clients satisfaits.Former des équipes qui anticipent, c’est libérer du temps et des ressources.
👉 Le site devient plus rentable sans investir plus.
Au final, la boucle est simple : Culture proactive → moins d’erreurs → plus de bon du premier coup → OTIF stable → CA en hausse. Dit autrement : La qualité n’est pas un coût, c’est un accélérateur de performance.
5. De la culture “bon du premier coup” à la culture Qualité
Une culture “bon du premier coup” produit des équipes prudentes, conformes, stressées à l’idée de rater.
Une culture qualité crée des équipes responsables, curieuses, capables de comprendre, d’apprendre et d’améliorer. L’objectif n’est pas le “0 erreur visible”, mais le “0 erreur répétée”. Comme le résume bien une vieille maxime : “L’erreur est humaine, persévérer est diabolique.”
C’est cette transformation d’état d’esprit qui fait passer d’une culture de contrôle à une culture de discernement et de confiance.
6. Une définition moderne de la Qualité
La Qualité, c’est l’art d’anticiper plutôt que de réparer, d’apprendre plutôt que de subir, et de progresser sans fin pour faire bon du premier coup et livrer On Time In Full durablement. C’est une dynamique collective, pas une case à cocher. Et c’est la seule manière d’aligner la performance opérationnelle et la performance économique sans sacrifier la rigueur.
En conclusion
La culture qualité ne s’enseigne pas par des slides ou des slogans. Elle se construit par expérience, exemplarité et cohérence. Elle se mesure dans les décisions quotidiennes, dans la manière dont un site apprend de ses écarts, et dans sa capacité à faire simple, juste et durable. Faire bon du premier coup, c’est bien.
Mais comprendre pourquoi on le fait bien, c’est ça, la qualité.